Auto-hypnose : un outil de relaxation au service de la thérapie

« Vos paupières sont lourdes, très lourdes. Vous n’entendez que ma voix. Je vais compter jusqu’à trois et vos muscles seront alors totalement détendus… ». Si vous avez toujours pensé que l’hypnose ne servait qu’à vous plonger dans un état semi-conscient (ou semi-inconscient, tout est une question de point de vue) dans le but de vous manipuler pour vous faire faire plus ou moins n’importe quoi à votre insu, et bien détrompez-vous ! En effet, l’hypnose est aussi un précieux outil de relaxation. Et devinez quoi ? Cette fois, c’est vous qui allez vous-même vous hypnotiser, grâce à l’auto-hypnose !

Auto-hypnose
Auto-hypnose

Etat des lieux d’un phénomène malmené

Soyons francs, il faut admettre que certains d’entre nous ont une conception généralement bien spécifique de l’hypnose, située à la frontière entre l’ésotérisme du Professeur Tournesol et le charlatanisme des hypnotiseurs de rue. Quel que soit votre avis sur la question, le rôle de l’hypnose reste cependant incontestable dans l’histoire de la médecine et de la psychologie.

Découverte par Mesmer au XVIIIe siècle sous le nom de « crise magnétique », elle a surtout été popularisée en France par Charcot et l’école de la Salpêtrière au XIXe siècle. En effet, Charcot a pu constater (sans trop pouvoir se l’expliquer) que les « paralysies » caractéristiques de ses patientes souffrant d’hystérie n’avaient pas de cause organique, celles-ci disparaissant totalement lorsque les patientes étaient sous hypnose, ébauchant ainsi un premier constat des phénomènes d’ordre psychosomatiques. Cependant, les « paralysies » réapparaissant dès la fin de la « transe hypnotique » induite par le thérapeute, l’hypnothérapie est restée longtemps ignorée et méprisée du corps médical.

Mais depuis quelques années, on constate que l’hypnose fait son grand retour, avec un certain succès. Délaissés le pendule et les paupières lourdes, désormais l’hypnose s’utilise plutôt au travers de techniques variées avec des objectifs divers : technique EMDR dans la gestion du stress post-traumatique, auto-hypnose et prise en charge de la douleur, etc.

Hypnose : définition

Selon Bioy de l’Institut Français d’Hypnose, l’hypnose se définit comme un état de conscience modifiée, différent de l’état de veille habituelle, « où les choses sont perçues autrement ».

Dans l’hypnose, le thérapeute cherche d’abord à réduire le nombre de stimuli de l’environnement, afin de disposer de toute l’attention du sujet. On retrouve cela dans pratiquement tous les types de relaxation (relaxation progressive, méditation), où l’élément qui cristallise généralement toute l’attention est la respiration. D’ordinaire inconsciente et involontaire, la respiration se fait alors consciente et régulière, généralement centrée au niveau de l’abdomen plutôt que du thorax. Cela permet de mettre le sujet dans un état de « veille paradoxale », totalement centrée sur l’élément respiration-consciente, où plus rien dans l’environnement ne semble alors compter.

Bioy démontre alors que l’état hypnotique est un phénomène naturel survenant chez tout un chacun, contrairement à l’idée reçue selon laquelle certaines personnes seraient très suggestibles à l’hypnose, tandis que d’autres seraient impossibles à hypnotiser. Mieux encore, Bioy affirme que nous n’avons nul besoin d’un thérapeute pour cela. Oui oui, vous avez bien entendu, vous pouvez vous hypnotiser tout seul. Et même que, plus vous vous exercerez, mieux vous y arriverez !

L’auto-hypnose : comment ça, je peux m’hypnotiser moi-même ?!

Vous vous rappelez ce moment où, au beau milieu d’une réunion pourtant très animée, vous sembliez totalement absorbé par quelque chose que les autres ne semblaient pas voir, le regard fixe, les yeux vitreux… Ce moment où même les cris de votre patron mécontent ne semblaient pas arriver jusqu’à vos oreilles, mais que seul le coup de coude de votre collègue dans vos côtes est parvenu à vous tirer (brutalement) de votre rêverie ? Et bien croyez-le ou non, mais vous étiez en plein état hypnotique ! Voici la preuve que nous sommes tous capables d’auto-hypnose. Bon, je vois d’ici vos commentaires exprimant que rêverie involontaire ne rime pas avec hypnose consciente, et bien que vous ayez entièrement raison sur le plan grammatical, laissez-moi vous en dire un peu plus sur le plan psychologique.

Virot et Bernard (2010) définissent l’auto-hypnose comme « l’auto-induction d’une transe hypnotique en vue de la réalisation d’un objectif déterminé » et affirment que celle-ci peut être enseignée par le thérapeute à son patient. Cependant, les auteurs tiennent aussi à souligner que la motivation du patient à s’ auto-hypnotiser est indispensable. Ainsi, l’absence d’une tierce personne peut inciter les plus réfractaires à se laisser aller mentalement afin de tenter l’auto-hypnose au moins une fois. De même, la répétition régulière d’exercices d’auto-hypnose est conseillée par les auteurs afin de rendre cette technique plus familière et plus aisée à pratiquer. Comme pour tout type de relaxation, l’ auto-hypnose vise à induire en soi un état de conscience modifié en focalisant son attention sur un stimulus précis tout en inhibant les autres (par exemple, en vous concentrant sur un point imaginaire, un lieu-ressource agréable où vous aimez vous imaginer, ou bien sur votre respiration abdominale). Pour les novices ou encore les personnes ayant un peu plus de difficultés à rester concentrées sur un stimulus précis, des enregistrements audio peuvent également être fournis par le thérapeute pour guider le processus d’auto-hypnose, au même titre que les exercices de méditation guidée.

Bénéfices thérapeutiques de l’auto-hypnose

Aussi incroyable que cela puisse paraitre après le grand rejet de l’hypnose version Charcot par le corps médical, l’auto-hypnose tend aujourd’hui à se démocratiser, jusqu’à se faire une place au soleil au cœur des hôpitaux. Mieux, elle s’invite même au cœur des protocoles de recherche de prise en charge de certaines troubles psychopathologiques. C’est notamment le cas pour l’anxiété, la dépression ou encore l’alexithymie (trouble psychiatrique se manifestant par de grandes difficultés à décrire et communiquer ses états internes, émotions et autres ressentis) (Rentsch, 2009).

De même, les soignants constatent l’effet bénéfique de l’auto-hypnose sur des pathologies organiques comme le syndrome de Gilles de la Tourette (maladie neurologique caractérisée par des tics moteurs et sonores, involontaires, brefs et intermittents), se manifestant par une nette diminution des tics. Mais c’est surtout dans la prise en charge de la douleur que l’auto-hypnose s’annonce comme une thérapie sur laquelle il va désormais falloir compter.

Werner (2013) a notamment mis en évidence le rôle analgésique de l’auto-hypnose dans la prise en charge de la douleur liée au travail et à l’accouchement, les femmes auto-hypnotisées manifestant alors une expérience plus positive de l’accouchement que celles n’en n’ayant pas bénéficié. Si l’auto-hypnose fait ses preuves dans la prise en charge de la douleur aiguë, elle excelle davantage dans celle de la douleur chronique : migraines réfractaires aux traitements médicamenteux (Violon, 2001, 2011) ; douleurs du sujet en fin de vie (Forster, 2004).

Il va sans dire qu’au-delà des ressources thérapeutiques de l’auto-hypnose, cette technique peut également vous aider au quotidien, au même titre que l’ensemble des techniques de relaxation. Vous pouvez donc pratiquer l’auto-hypnose à loisir, notamment pour appréhender plus sereinement des situations stressantes (et là je pense à vous les étudiants, dont la période des examens commence à se rapprocher dangereusement !). Si malgré tout vous ressentez encore une appréhension face à l’auto-hypnose ou si l’idée de devoir gérer seul à la fois votre respiration et votre concentration vous semble encore compliquée, n’hésitez pas à vous faire appel à des outils gratuits d’auto-hypnose guidée dans un premier temps, ou bien à certains ouvrages d’auto-hypnose appliquée comme « 50 exercices d’auto-hypnose » de Mireille Meyer.

Petits conseils à ceux qui se sentent prêts à tester l’auto-hypnose

Cela peut paraître contre-intuitif à cependant, cependant rappelez-vous ce que nous avons dit plus haut : vous pouvez pratiquer l’auto-hypnose n’importe où et n’importe quand. Au bureau, dans un jardin public, dans une file d’attente bondée, dans un bon fauteuil… Plus vous vous exercerez, meilleures seront vos capacités d’abstraction et tout endroit deviendra alors propice à l’auto-hypnose. Bien évidemment, une petite séance d’auto-hypnose sera plus bénéfique si vous l’effectuez dans un environnement où vous vous sentez serein et où vous n’avez pas peur d’être interrompu. De ce fait, le moment du coucher est souvent le meilleur moment, d’autant plus si vous souffrez de troubles du sommeil ou de difficultés d’endormissement. Il n’y a pas de durée idéale pour une séance, cependant il faut pouvoir prendre le temps de se relâcher totalement, tant psychologiquement que physiquement. Pour cela, vous concentrer sur votre respiration peut induire un rythme dans la transe hypnotique, tel un métronome. Au début, votre respiration pourra être plutôt thoracique et superficielle, la respiration abdominale profonde sera alors consciente et « forcée ». Mais avec l’entrainement, cette dernière se fera plus automatique.

Soyez sans jugement envers vous-même : si vous vous sentez plus à l’aise assis sur une chaise qu’en position du lotus tel un moine bouddhiste plein d’expérience, votre relaxation n’en sera pas moins efficace pour autant. Les éléments les plus importants sont : gardez les pieds sur terre au sens propre du terme, à savoir bien à plat sur le sol, la nuque droite afin de ne pas la rendre douloureuse et le regard fixé sur un point imaginaire de votre choix. Si vous en avez la possibilité, vous pouvez également fermer les yeux et penser à plusieurs choses :

  • L’endroit où vous sentez votre respiration (cela peut être au niveau thoracique, abdominal, ou pourquoi pas dans votre crâne si vous avez mal à la tête par exemple ? Rappelez-vous : soyez bienveillant envers vous, le jugement n’a pas sa place ici) ;
  • Des expériences antérieures de bien-être ;
  • Des stimuli sollicitant vos sens (3 visuels : « je vois ceci », 3 auditifs : « j’entends cela », 3 sensations : « je ressens ceci, je me sens cela ») ;
  • Un endroit-ressource où vous aimez aller, où vous vous sentez en sécurité, qu’il soit réel ou imaginaire ;
  • Si vous avez la possibilité d’observer un feu de cheminée ou le mouvement des vagues, il y a de grandes chances que vous tombiez facilement dans la transe auto-hypnotique !

Contrairement à l’hypnose pratiquée avec un thérapeute, ici c’est votre petite voix intérieure qui vous guidera tout au long de la relaxation, de la même façon que lorsque vous lisez un livre ou révisez vos cours (chers collègues étudiants, je pense toujours à vous). Si vous craignez que cet auto-conversation vous empêche de lâcher-prise, vous pouvez également confier votre subconscient à une petite musique d’ambiance, apaisante et sans paroles, voire aux bruits de la nature ou au chant des baleines (ne riez pas, c’est très efficace).

Une fois en transe, laissez-vous porter sans jugement, laissez-vous envahir par des pensées, souvenirs, sensations corporelles agréables, visualisez quelque chose de positif (paysage, situation). L’auto-hypnose possède son propre pouvoir de guérison : si vous êtes quelqu’un de très timide par exemple, vous imaginer très à l’aise devant une foule à laquelle vous parlez peut vous rendre réellement plus confiant et à l’aise hors périodes de transe. De même, si vous souffrez d’une pathologie, visualiser un organe sain et en pleine santé peut s’avérer très positif (diminution des symptômes, des douleurs,…).

Merci à vous d’avoir lu cet article, en espérant que celui-ci vous ait plu ! Comme toujours, n’hésitez pas à le commenter et à poser toutes vos questions, nous y répondrons avec plaisir ! En attendant, je vous souhaite de bonnes séances d’auto-hypnose !

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