Parasomnies : le côté obscur du sommeil

Depuis toujours, le sommeil et le rêve éveillent l’intérêt de l’homme de par leur aspect mystérieux, imprévisible et incontrôlable. Plusieurs courants psychologiques parfois radicalement opposés sur le plan théorique cherchent à expliquer l’origine de ces phénomènes, tels la psychanalyse ou les neurosciences. Si le sommeil est pour certains d’entre nous synonyme de repos et de bien-être, celui-ci peut devenir le pire moment de la journée pour les personnes souffrant de parasomnies.

Parasomnies : le côté obscur du sommeil
Parasomnies : le côté obscur du sommeil

Parasomnies & stades du sommeil

Selon le Réseau Morphée dédié à la prise en charge des troubles chroniques du sommeil, les parasomnies sont des manifestations motrices, verbales ou sensorielles qui surviennent durant l’une des phases du sommeil, essentiellement durant les premiers stades. Mais avant toutes choses, parlons justement du sommeil.

Une nuit de sommeil dit « normal » est composée de plusieurs cycles de 4 phases chacun (classification de Kleitman, 1969) :

  • Endormissement (stade I) : Ça y est, vous avez décidé de dormir. Vos yeux sont donc fermés et, durant ce stade d’une durée d’environ 1 à 10 min (pour les plus chanceux d’entre nous du moins), vous êtes très légèrement endormi de sorte que la moindre stimulation peut facilement vous ramener à un état totalement éveillé et lucide. Vos yeux bougent encore un peu et votre tonus musculaire n’est pas tout à fait relâché, d’ailleurs vous sentez parfois comme des spasmes dans vos jambes. Parfois, vous avez même l’impression de tomber dans le vide juste au moment où vous vous sentiez partir dans les bras de Morphée, et hop vous voilà réveillé ! Il parait que c’est normal : ce serait un héritage des ancêtres à l’époque où ceux-ci dormaient dans des lieux plutôt… peu sécuritaires dirons-nous (merci les ancêtres !).
  • Sommeil lent léger (stade II) : Votre rythme cardiaque et votre température corporelle vont légèrement diminuer afin de vous aider à plonger dans un sommeil plus profond. Cela devient déjà un peu plus difficile de vous réveiller (mais cela reste possible), d’ailleurs vous vous rendez bien compte que vous étiez assoupi si quelqu’un a la mauvaise idée de vous réveiller ! Ce stade représente environ 50% de notre temps de sommeil, mais il est souvent entrecoupé de micro-réveils inconscients. A noter que chez la personne âgée dont le sommeil est souvent altéré, le stade II compose l’essentiel (pour ne pas dire l’entièreté) de sa nuit, d’où un état de fatigue souvent persistant, vous allez comprendre pourquoi…
  • Sommeil lent profond (stades III et IV) : C’est ici que le sommeil devient réparateur et bénéfique car il permet de recharger les batteries, au sens propre du terme ! Chez l’adulte, ces stades reviennent de façon assez régulière en première partie de nuit, mais nettement moins en deuxième partie, d’où les courantes insomnies de l’adulte et de la personne âgée… A cette étape-ci, il devient compliqué de vous réveiller ; d’ailleurs, vous serez probablement un peu désorienté durant les premières minutes si quelqu’un a de nouveau le bon goût de vous réveiller. Pour information, ce stade est le prélude au rêve, mais il est aussi très important pour l’enfant car il recouvre en partie la sécrétion de l’hormone de croissance.
  • Sommeil paradoxal (stade V ou Rapid Eye Movement sleep) : Voici la dernière étape du sommeil, celle du rêve et de tous les paradoxes. En effet, vous êtes on ne peut plus endormi, vous rêvez, il est vraiment très compliqué de vous réveiller, vos muscles sont totalement immobiles et hypotoniques, pourtant vos yeux ne cessent de s’agiter sous vos paupières, votre cœur et votre respiration s’emballent, et votre cerveau émet les mêmes ondes électriques que lorsque vous êtes en plein éveil ! Ce stade apparait environ 90 min après l’endormissement et occupe 25% de votre temps de sommeil (sachant que, plus vous dormez longtemps, plus ce stade va durer longtemps au fil des cycles). C’est aussi à ce moment-là qu’ont lieu les joyeusetés dont nous allons parler dans cet article : les parasomnies.

Somnambulisme, terreurs nocturnes et cauchemars : les parasomnies les plus courantes

Si vous avez l’habitude de vous promener seul dans les couloirs la nuit, de donner une représentation par soir de vos monologues ou bien de souiller vos draps (on ne choisit pas sa parasomnie, n’est-ce pas ?), alors oui vous souffrez bien de parasomnies.

Selon Challamel, la plupart des parasomnies surviennent essentiellement pendant l’enfance et ne sont absolument pas pathologiques. L’auteur définit plusieurs causes à ces troubles :

  • Nuits courtes et petits cycles de sommeil lent profond entre 1 et 10 ans ;
  • Immaturité des fonctions sphinctériennes (notamment du contrôle vésical dans le cas de l’énurésie, plus connue sous le nom de pipi-au-lit).

Parmi les parasomnies les plus connues et les plus courantes, on retrouve notamment les terreurs nocturnes, le somnambulisme et les cauchemars.

  • Le somnambulisme : Caractérisé par une activité motrice survenant dans un état d’éveil incomplet, le somnambulisme se manifeste généralement par une déambulation lente, les yeux ouverts et le visage inexpressif. Il survient généralement 1 à 3h après l’endormissement, peut se répéter jusqu’à deux fois par nuit (rarement plus), dure plusieurs minutes, et le dormeur n’en a absolument aucun souvenir au réveil. En général, un somnambule est plutôt docile, c’est-à-dire que vous n’allez avoir aucun mal à le ramener à son lit (rappelons d’ailleurs qu’il ne faut pas réveiller un somnambule parce-que oui, croyez-le ou non, mais cette personne qui s’est endormie à côté de vous et qui marche maintenant toute seul les yeux grand-ouverts dans votre cuisine est bel et bien en train de dormir). Cependant il existe aussi un type de somnambulisme plutôt rare (nommé « somnambulisme terreur » ou « syndrome d’Elpénor »), où le sujet déambule violemment en hurlant et peut faire des actions risquées comme sauter par la fenêtre par exemple. A noter que le somnambulisme est héréditaire dans 60 à 80% des cas. Parents somnambules, à bon entendeur…
  • Les terreurs nocturnes : Vous avez vu le film « L’Exorciste » ? Alors vous avez une idée de ce qui se passe lorsque votre voisin de lit ou votre enfant fait une terreur nocturne. Bon, j’exagère peut-être un peu… En début de nuit, vous retrouvez la personne assise dans son lit, qui hurle et pleure, les yeux grand-ouverts fixés sur quelque chose que vous vous ne voyez apparemment pas, elle marmonne un tas de trucs incompréhensibles, se défend bec et ongles quand vous essayer de la calmer (sachant qu’elle est en fait endormie pendant tout ce temps et que vous n’arriverez jamais, je dis bien JAMAIS à la réveiller), et cet épisode peut durer jusqu’à 20 min. Si vous n’arriverez clairement pas à vous rendormir (bien trop terrifié par ce que vous venez de voir), sachez que la personne victime de terreurs nocturnes finira par se calmer et se rendormir toute seule, sans en garder le moindre souvenir. Merci cerveau !

  • Les cauchemars : Parasomnies les plus courantes, les cauchemars sont à distinguer des terreurs nocturnes. D’une part ils surviennent de façon privilégiée en fin de nuit, lors du sommeil paradoxal. D’autre part, ils sont beaucoup plus récurrents, persistent à l’âge adulte et sont généralement causés par un évènement traumatisant ou anxiogène. Enfin, contrairement aux terreurs nocturnes, les cauchemars réveillent le dormeur, l’empêchent de se rendormir et peuvent lui rester en mémoire au réveil.

Somnambulisme, terreurs nocturnes : que faire ?

Si ces parasomnies sont courantes chez les jeunes enfants, elles interrogent davantage lorsqu’elles persistent dans le temps chez les enfants plus âgés, les adolescents ou même les adultes.

Dans un premier temps, plusieurs actions peuvent être mises en place pour y faire face :

  • Réorganisation du rythme veille/sommeil (respect des horaires de sommeil réguliers) ;
  • Nuits plus longues avec une heure de coucher plus précoce pour éviter la dette de sommeil ;
  • Sieste diurne ;
  • Éviter d’augmenter sa température corporelle juste avant le coucher (en faisant du sport, par exemple) ;
  • Pour le somnambulisme : mettre en place des mesure préventives afin d’éviter que le dormeur somnambule ne se blesse (bloquer l’accès aux escaliers, éviter les lits en hauteur et les chambres en mezzanine, fermer les fenêtres, etc).

Dans le cas où ces parasomnies persisteraient dans le temps, un enregistrement des ondes cérébrales (ou enregistrement de sommeil) à l’aide d’un Électroencéphalogramme (EEG) peut se montrer intéressant. Les centres prenant en charge les troubles chroniques du sommeil peuvent également demander aux parents d’enregistrer le sommeil de l’enfant (après « L’Exorciste », voici venir « Paranormal Activity »).

Autres types de parasomnies

Comme vous pouvez vous en douter, le cerveau n’est pas en manque d’imagination et sait se montrer très créatif. Continuons donc à découvrir différents types de parasomnies :

  • Les hallucinations hypnagogiques intenses : Celles-ci surviennent durant l’endormissement (stade I), où nous nous trouvons dans un état hypnagogique situé entre veille et sommeil, et durant lequel des hallucinations se produisent fréquemment (Maury, 1848). Notons qu’il ne s’agit absolument pas d’hallucinations pathologiques comme on peut en rencontrer dans certains troubles psychotiques (schizophrénie, par exemple). Concrètement, vous êtes dans le noir, mi-conscient mi-éveillé, et vous avez l’impression de voir, d’entendre ou de ressentir des choses qui vous paraissent très réelles, bien qu’elles ne soient pas présentes. Cela peut parfois être anodin (vous voyez des formes changeantes par exemple), mais bien souvent cela est très effrayant (ombres humaines, monstres, insectes, musique). On rapporte aussi des hallucinations hypnagogiques kinesthésiques, avec la sensation d’une présence dans la chambre, l’impression qu’une main nous frôle ou nous attrape, ou encore l’impossibilité de pouvoir bouger (aussi connue sous le nom de « paralysie nocturne »).
  • L’énurésie : Elle correspond à la fuite involontaire d’urine durant le sommeil, à un âge où la propreté est sensée être acquise (on ne parle donc d’énurésie qu’à partir de 5-6 ans). Cette parasomnie survient à tous les stades du sommeil, mais préférentiellement chez les « gros dormeurs ». Elle peut se prolonger jusqu’à l’adolescence, mais tend à s’estomper de son propre chef. A noter que certaines études démontrent une forme d’« hérédité » de l’énurésie.

Que faire si votre enfant souffre d’énurésie ?

Il s’agit tout d’abord de le rassurer et de dédramatiser (en effet, si vous dramatisez ou le grondez pour avoir souillé son lit, l’épisode risque de se répéter). Gardez bien en tête que la rémission est bien souvent spontanée. Cependant, si les épisodes d’énurésie devaient perdurer dans le temps, il est essentiel d’éliminer toute cause médicale (infection urinaire, trouble neurologique, trouble sphinctérien ou urologique). En l’absence de pathologie, une démarche auprès d’un psychologue peut parfois s’avérer bénéfique, car l’énurésie est potentiellement la face visible d’un mal-être de l’enfant.

  • La somniloquie : Concrètement, c’est le fait de parler pendant son sommeil, de façon isolée ou associée à d’autres parasomnies. La somniloquie survient durant le sommeil léger (marmonnements) ou durant le sommeil paradoxal (discours plus intelligible). On retrouve souvent cette parasomnie chez les personnes stressées ou anxieuses. A noter que la personne ne se rend pas compte qu’elle parle et qu’elle n’en gardera aucun souvenir au réveil.
  • Le bruxisme : Ou la joie de dormir aux côtés de quelqu’un qui grince des dents pendant son (et donc pendant VOTRE) sommeil…! Parasomnie banale et courante, on la retrouve souvent chez les personnes excessivement stressées. Elle persiste généralement de l’enfance à l’âge adulte et ne se traite pas, bien qu’elle ne soit pas sans conséquences pour les dents et les articulations de votre mâchoire (usure prématurée), d’où le port de gouttières dentaires. Sachant cela, n’hésitez pas à consulter votre dentiste si vous souffrez de bruxisme, car il est le plus à même de vous renseigner sur les actions préventives possibles. Notons que le bruxisme nocturne est souvent associé au bruxisme diurne ; pour mieux contrôler ce problème, il est important que la personne s’exerce à se rendre compte qu’elle grince des dents en journée.
  • Les troubles alimentaires nocturnes : Plus connus sous le nom de syndrome d’alimentation nocturne, la personne se lève la nuit pour aller manger dans un état de demi-sommeil similaire au somnambulisme, sans en garder le moindre souvenir au réveil.

Bien que la plupart de ces parasomnies soient passagères et sans conséquences, vous ne devez pas à hésiter à en parler à votre médecin généraliste si celles-ci vous incommodent et altèrent votre qualité de sommeil, et donc votre qualité de vie. En effet, si vos parasomnies se montrent particulièrement récurrentes (surtout à l’âge adulte), votre médecin pourra vous diriger vers un neurologue ou un médecin spécialiste du sommeil afin de faire des explorations diagnostiques à l’aide d’examens adaptés comme nous l’avons vu plus haut.

J’espère que cet article vous aura plu et appris de nouvelles choses ! Bien entendu, n’hésitez pas à le commenter, c’est avec plaisir que nous vous répondrons !

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