Expressions du visage : la face cachée de nos émotions

« Ses mots disent une chose, son corps en dit une autre : c’est un menteur. La vérité est écrite sur nos visages. » Popularisée par la série « Lie To Me » dans les années 2000, l’utilisation des expressions du visage (ou micro-expressions) comme moyen de décoder tout haut ce que nous cachons tout bas n’est pas nouvelle et n’est surtout pas réservée aux criminologues et autres professionnels de la psychologie. Si vous aussi vous avez envie d’en savoir plus sur le décryptage de nos micro-expressions, alors cet article n’attend que vous !

Tant d’émotions passent par notre visage, pourquoi ne pas y prêter plus d’attention ?
Tant d’émotions passent par notre visage, pourquoi ne pas y prêter plus d’attention ?

Les émotions fondamentales

Une émotion est un état affectif (ressenti émotionnel) ayant un début précis et étant liée à un objet particulier. Sa durée est généralement brève et s’accompagne de modifications physiologiques, corporelles et cognitives.

L’expression de nos émotions passe par plusieurs composantes, notamment cognitive (évaluation et traitement de l’information perçue), physiologique (nos émotions suscitent parfois une augmentation de notre fréquence cardiaque, de notre rythme respiratoire, de notre transpiration, etc) et expressive (expression externe de l’émotion : expressions faciales, posture, gestuelle, timbre de voix, etc). Au sujet de cette dernière composante, deux théories s’opposent :

  • Théorie psycho-évolutionniste : cette théorie plaide en faveur de l’existence de plusieurs émotions de base, qui seraient universelles et donc aisément reconnaissable (rappelez-vous ainsi que le Dr Ligthman de « Lie To Me » a retrouvé les mêmes expressions chez ses compatriotes Américains que chez les membres d’une tribu en Papouasie-Nouvelle Guinée). Si en 1872, Darwin dénombrait déjà 8 émotions de base, c’est aujourd’hui les 6 émotions fondamentales d’Ekman (1972) que l’on utilise dans les travaux de recherche en psychologie. Ces émotions sont : la joie, la tristesse, la colère, la peur, le dégoût et la surprise (oui oui, vous avez parfaitement le droit de visualiser les petits personnages de « Vice Versa » pour vous en rappeler ; notez d’ailleurs qu’il manque la surprise, mais je parie que vous l’aviez déjà remarqué)
  • Théorie socio-culturelle : en 1991, Russell opposera à la théorie d’Ekman une organisation dimensionnelle des émotions qui s’évalueraient alors en termes de valence (sont-elles positives ou négatives ?) et d’intensité (sont-elles fortes ou faibles ?). Selon Russell, la reconnaissance des émotions ne serait ainsi absolument pas universelle, mais elle dépendrait à la fois de la culture, du contexte et du genre du sujet. A cela, Ekman répond par un consensus selon lequel il existerait probablement des règles sociales modulant l’expressivité (les “display rules”) qui seraient effectivement définies par la culture, le contexte social, ainsi que les stéréotypes émotionnels présents dans les cultures (par exemple, s’il est de bon ton de montrer ses émotions et ressentis dans nos sociétés occidentales, cela est nettement moins bien perçu dans les sociétés asiatiques).
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Aujourd’hui, la théorie la plus admise par la communauté scientifique reste toutefois celle d’Ekman. Ainsi, si nous nous basons nous-mêmes sur cette théorie, comment pouvons-nous connaitre le ressenti de notre interlocuteur uniquement sur la base de ses expressions du visage ?

Décoder les expressions du visage avec le Facial Action Coding System (ou FACS)

Saviez-vous que seules 7% de l’information est transmise par le discours verbal ? En effet, la parole n’est pas le seul moyen de véhiculer une information, tout comme l’information n’est pas le seul élément que nous véhiculons lors d’un échange. Cela nous parait relativement intuitif lorsque nous interagissons avec nos animaux de compagnie (il est clair que votre chien ne comprend pas nécessairement les mots que vous employez pour vous adresser à lui, en revanche il assimilera très bien le ton de votre voix, d’où l’intérêt d’utiliser un ton différent lorsque vous le félicitez d’avoir bien ramené la balle ou quand vous le grondez parce qu’il a uriné pour la énième fois contre le canapé).

Toutefois, plusieurs études montrent que, plus que le contenu d’une information, l’être humain prêtent également davantage attention au comportement para-verbal et non-verbal de son interlocuteur (à respectivement 38 et 55%). L’aspect para-verbal de la communication s’attache ainsi à la prosodie (rythme du discours, timbre et volume de la voix, mélodie), tandis que l’aspect non-verbal s’intéresse à la posture, la gestuelle, ainsi qu’aux micro-expressions. C’est à ce dernier aspect que nous allons davantage nous intéresser.

En 1978, Ekman établit une méthode visant à décoder nos émotions par le biais des micro-expressions du visage, qui en disent bien souvent beaucoup sur le fond de notre pensée et tout cela à notre insu (si l’on dit de vous que vous êtes un véritable « livre ouvert » ou bien une « cage de verre » quand vous jouez au poker, alors c’est bien de vous dont il est question ici). Nommée le FACS pour « Facial Action Coding System », cette méthode décompose les mouvements du visage en unités d’action évaluant à la fois l’intensité de l’expression du visage et le mouvement en lui-même (remontée, abaissement, ouverture, contraction, décontraction, etc) des parties du visage véhiculant le plus d’expressions (sourcils, lèvres, mâchoires, yeux, nez, tête).

Ekman a ainsi fondé sa propre école de formation à la lecture des expressions du visage, c’est notamment pour cette raison-là que cet article ne saurait vous fournir une lecture exhaustive de toutes nos expressions du visage (vous ne pensiez tout de même pas que nous allions vous mâcher le travail non plus). Cependant, il est assez aisé de déterminer le vecteur de certaines émotions. Prenons le cas du sourire, par exemple : un « vrai sourire » mobilise à la fois les muscles des joues et des yeux (qui se plissent), tandis qu’un « faux sourire » ne va mobiliser que les muscles des joues.

Reconnaitre les émotions fondamentales grâce aux expressions du visage

Cher(e)s lectrices et lecteurs, je vous sens avides d’en savoir plus et, comme vous m’êtes très sympathiques, j’ai décidé de vous offrir une petite formation express de reconnaissance des émotions sur la base des expressions du visage.

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  • La joie : commençons par quelque chose d’assez simple. Comme nous l’avons vu plus haut, vous pouvez différencier un sourire authentique d’un sourire de circonstance par les signes suivants : commissures des lèvres relevées et plissées, plissures au niveau des muscles péri-orbitaires (autour des yeux) et joues relevées bien rebondies. Certaines études montrent que les sociopathes affichent ce type d’expressions du visage lorsqu’on leur montre une vidéo d’agression.
  • La tristesse : les commissures des lèvres tombent, les yeux se baissent et la partie interne des sourcils semblent tirées vers le haut tandis que leur partie externe s’affaisse. Vous n’avez désormais plus d’excuses maintenant que vous connaissez les expressions du visage quand un sujet ressent de la joie ou de la tristesse pour ne pas détecter les « pauvres sourires » !
  • La colère : cette émotion-là est aussi plutôt intuitive (rappelez-vous celui ou celle qui incarnait la plus forte autorité lorsque vous étiez enfant : en général, vous n’aviez pas besoin de grands discours pour comprendre quand cette personne était en colère ou pas, n’est-ce pas ?). Lèvres pincées ou retroussées pour montrer les dents, sourcils froncés, regard fixe et parfois narines dilatées, vous avez bien compris : c’est le moment de partir vite et loin.
  • La peur : sourcils relevés, yeux grand-ouverts, lèvres étirées vers les oreilles,… Pas convaincus ? Faites peur à la prochaine personne que vous verrez, vous n’aurez pas d’illustration plus concrète.
  • Le dégoût : sourcils froncés, nez froncé, lèvre supérieure relevée laissant apparaitre plus ou moins les dents. Là encore, vous n’aurez pas de mal à provoquer la situation auprès d’un ami pour mener votre propre expérimentation.
  • La surprise : attention à ne pas la confondre avec la peur, même si les expressions du visage en résultant se ressemblent parfois à s’y méprendre : sourcils relevés, yeux grand-ouverts, bouche entrouverte ou parfois grande-ouverte… La plus grande différence réside dans la durée de l’expression : la surprise est très rapide contrairement à la peur. Selon Ekman, si l’expression de surprise réside plus d’1 seconde sur le visage de votre fiancée quand vous lui demandez de vous épouser, désolée messieurs, mais elle était déjà au courant et ne veut juste pas vous gâcher l’effet de… surprise !

Manifester une émotion demande de pouvoir la reconnaitre

Que l’on soit d’accord avec cette idée ou non, toutes les études actuelles parlant des émotions s’accordent à dire que la capacité à reconnaître une émotion implique que le sujet soit lui-même capable de la ressentir. La théorie de James & Cannon (1885) présuppose même qu’un sujet dépressif pourrait ne plus ressentir certains symptômes en s’astreignant à faire le contraire, c’est-à-dire en manifestant de la joie, en allant vers autrui, etc. Si cela lui parait contraignant au début, les auteurs font l’hypothèse que cela deviendra ensuite spontané et automatique.

Si l’on présuppose qu’il est nécessaire de pouvoir manifester une émotion pour la ressentir, certaines études ont pu constater que des blessés médullaires souffrant de paralysie totale ont davantage de difficultés à reconnaitre une émotion chez autrui car eux-mêmes ont des difficultés à la manifester physiquement (Hohmann, 1966).

Dans une autre étude tout aussi étonnante (Hennenlotter, 2009; Havas, 2010), les chercheurs ont démontré que des individus ayant eu recours à des injections de toxine botulique (ou Botox) au niveau du visage ont plus de difficultés que des sujets non-botoxés pour reconnaitre les émotions au moyen des expressions du visage, mais également plus de difficultés à les exprimer eux-mêmes. De plus, ces scientifiques ont également constaté que les zones cérébrales responsables de la gestion des émotions (cortex préfrontal et système limbique notamment) s’activaient nettement moins que chez les sujets non-botoxés soumis au même exercice de reconnaissance des expressions du visage. Cela s’expliquerait par le fait que, lorsqu’un individu avec lequel nous interagissons manifeste une émotion, nous l’imitons nous-mêmes pendant une fraction de seconde sans nous en rendre compte, comme pour nous mettre au diapason avec notre interlocuteur (ce qui n’est pas sans évoquer la théorie des neurones-miroirs).

Expressions du visage : mêmes nos bébés sont des experts en décodage !

Si vous pensiez que la reconnaissance des émotions par le biais des expressions du visage était l’apanage des adultes, et bien détrompez-vous ! Nos chers enfants en bas-âge ne sont pas juste les plus grands jouisseurs de la vie, ils sont aussi de très bons décodeurs d’émotions ! En effet, les études de Tronick (1978) montrent qu’à l’âge de 5 mois, un enfant différencie déjà un visage neutre d’un visage manifestant de la joie l’aide de l’effet still-face. Pas convaincus ? Je vous laisse regarder cette petite vidéo de 0,27 sec jusqu’à 2,11 min.

Que vous soyez désormais convaincus ou non, je vous remercie vivement pour votre lecture, en espérant que cet article vous ait plu ! Comme toujours, n’hésitez pas à le commenter, nous vous répondrons avec plaisir !

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